Juliette Benzoni
Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2
PROLOGUE
Un soir d'emeute, le 27 avril 1413, alors que le peuple de Paris, entraine par le boucher Caboche et l'universitaire Pierre Cauchon, a envahi l'hotel Saint-Pol, Catherine Legoix, la fille de l'orfevre du Pont- au-Change, et son ami Landry Pigasse se sont trouves au premier rang des emeutiers. La jeune Catherine, agee de treize ans, s'est prise d'un interet passionne pour un jeune seigneur que la foule entraine pour le pendre. Michel de Montsalvy est beau, il a dix-sept ans : il n'en faut pas plus pour que Catherine soit prete a tout pour le soustraire a la mort. Avec l'aide de Landry et de Barnabe le Coquillart, un etrange truand, elle parvient a l'arracher a ses gardes et a le cacher dans la cave de ses parents. Mais la cachette est decouverte et Michel massacre sous les yeux epouvantes de Catherine par le boucher Legoix, cousin de la fillette, en presence de Caboche et de Cauchon. Par represailles, le pere de Catherine est pendu, sa maison detruite. Catherine et sa mere se refugient chez Barnabe, dans l'inexpugnable Cour des Miracles, mais Loyse, la s?ur de Catherine, est demeuree aux mains de Caboche qui s'est epris d'elle. Avant de quitter Paris pour Dijon, ou les Legoix ont un oncle, Barnabe, Landry et Sara la Noire, une bizarre fille de Boheme qui s'est prise d'affection pour Catherine, arracheront Loyse a son geolier, puis toute la famille s'embarquera sur la Seine pour gagner enfin la Bourgogne. Catherine emporte, au milieu de douloureux souvenirs, l'image de Michel de Montsalvy qu'elle ne peut oublier.
Autour d'eux continue la ronde infernale de la guerre civile. Le roi Charles VI est fou, la reine Ysabeau vend le royaume a l'encan et les deux partis rivaux des Armagnacs et des Bourguignons se disputent le pouvoir, les armes a la main.
Neuf ans plus tard, c'est a Bruges que l'on retrouve Catherine devenue une eblouissante jeune fille. Elle est venue la avec son oncle Mathieu Gautherin, drapier de son etat, pour faire des achats. Pendant la procession du Saint-Sang, un bourgeois se montre trop entreprenant avec Catherine qui te gifle et dechaine ainsi un affreux scandale. Arretee, elle est conduite devant le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, grand amateur de femmes. La beaute de la jeune fille emeut le prince. Il la libere en lui assurant qu'il se souviendra d'elle.
Or, sur la route qui les ramene vers Dijon, Catherine et son oncle trouvent un chevalier blesse dont la vue trouble la jeune fille. Il est le vivant portrait de Michel de Montsalvy. Ramene dans une auberge, le blesse y recoit les soins d'un medecin maure de Cordoue, Abou-al-Khayr, qui voyage pour s'instruire, et le mystere de la ressemblance s'explique ; il est le frere de Michel, Arnaud de Montsalvy, et, tout de suite, une puissante attirance le jette vers Catherine qui est bien pres de se donner a lui. Mais, apprenant le nom de la jeune fille, Arnaud la chasse avec violence. Elle s'appelle Legoix et il a jure une haine implacable a tout ce qui porte ce nom. C'est un boucher nomme Legoix, un cousin de Catherine, qui a tue Michel...
Desesperee, Catherine a du le quitter et suivre son oncle. A Dijon, elle se voit bientot l'objet des hommages d'un puissant personnage : Garin de Brazey, Grand Argentier de Bourgogne, et, a sa stupeur, apprend qu'un ordre du duc Philippe lui fait un devoir d'epouser l'Argentier. Contre cet ordre Catherine se revolte et, pour eviter le mariage, elle tente de faire tuer Garin par son vieil ami Barnabe. Mais Garin n'est que blesse et Barnabe trouve la mort dans l'aventure. Catherine doit epouser Garin.
Celui-ci, pourtant, se revele un bien etrange epoux. Le mariage demeure blanc malgre les tentatives de Catherine, poussee par Sara qui est restee sa confidente et devenue sa premiere suivante. A cette attitude, une seule explication possible : Garin garde son epouse pour le duc Philippe. En attendant, il en fait un objet de luxe et, devenue dame de parage de la duchesse douairiere Marguerite, Catherine se mele a la vie brillante de la Cour de Bourgogne.
Au cours des fiancailles de la s?ur du duc, a Amiens, un chevalier du roi Charles VII vient defier le duc au nom de son maitre. En effet, prince Francais, Philippe marie sa s?ur a l'Anglais envahisseur et refuse de reconnaitre son legitime souverain. Ce chevalier n'est autre qu'Arnaud de Montsalvy... Le defi est accepte. Montsalvy rencontre en champ clos le champion de Bourgogne, Lionel de Vendome. Il est vainqueur mais il est blesse et Catherine ne resiste pas a l'envie d'aller le rejoindre dans sa tente.
La, apres un accueil rude, Arnaud se laisse flechir par cette femme qu'il aime, bien qu'il la croie devenue la maitresse du duc de Bourgogne. Il est tout pres de se laisser aller a son amour quand il s'apercoit qu'il est tombe dans le piege tendu par Jean de Luxembourg, le chef des armees de Bourgogne.. Arrete, au mepris des lois de la chevalerie, avec son ami Xaintrailles, il rend Catherine responsable de cette felonie. La jeune femme, douloureusement frappee et persuadee que le duc ignore tout du zele intempestif de Luxembourg, se rend chez lui pour le mettre au courant.
Philippe se montre dur et mefiant. Il exige qu'elle devienne sur l'heure sa maitresse et Catherine va s'executer, le desespoir au c?ur. Mais, a son grand etonnement, elle demeure seule, toute la nuit, dans le grand lit ducal.
Philippe n'est revenu qu'au matin d'une fete donnee aux dames de la ville.
Il se montre tendre, empresse puis, en presence de Catherine et sans permettre qu'elle se leve, fait venir dans sa chambre Arnaud et Xaintrailles pour leur faire ses excuses. Catherine comprend qu'elle est prise au piege.
Arnaud l'a vue dans le lit meme du duc et ne doutera plus de ses liens etroits avec le prince. Il s'eloigne plein de mepris, sans meme tourner la tete. Pour Catherine tout est fini. Qu'importe meme d'accorder a Philippe ce qu'il demande.
— Ce soir, je te ferai chercher, a-t-il dit en la renvoyant a son logis.
Pourquoi pas ? Quittant le palais, Catherine rentre a la maison qu'elle partage, durant son sejour, avec son amie, la comtesse Ermengarde de Chateauvillain...
Il etait bien pres de midi lorsque Catherine regagna la maison du lainier dans une litiere que Jacques de Roussay avait amenee devant l'escalier du palais communal. Fermee d'epais rideaux de cuir, cette litiere avait mis la jeune femme a l'abri des curieux. En approchant de son logis, Catherine faisait des v?ux pour qu'Ermengarde seule se trouvat dans la maison. Elle craignait les yeux aigus, si malveillants de la jeune Vaugrigneuse. Et surtout, elle aspirait a se retrouver seule avec son amie dont elle avait appris, peu a peu, a priser les conseils. La maison lui parut etrangement silencieuse. Dans le vestibule, elle croisa une servante qui portait un plat de choux fumants. La fille lui adressa une rapide reverence et un regard que Catherine jugea inquiet sans se donner la peine de chercher a comprendre pourquoi. Sans doute etait-elle d'un naturel peureux et facilement impressionnable... Haussant les epaules, elle releva sa robe a deux mains et grimpa alertement l'escalier sombre et raide. Sur le petit palier de l'etage, un rayon de soleil traversait le vitrail d'une etroite fenetre en ogive, repandant sur le dallage blanc une large tache ecarlate, lumineuse, qui mettait comme une touche de vie dans tout ce silence. On percevait seulement, venant du rez-de-chaussee, ou le lainier et sa famille devaient etre a diner, un vague murmure de conversations, mais a l'etage il n'y avait pas de bruit.
Persuadee qu'aucune des autres dames d'honneur n'etait la, Catherine poussa le vantail de chene qui fermait sa chambre et entra. La piece, en effet, etait vide a l'exception de Garin. Il se tenait debout devant la fenetre face a la porte et les mains au dos.