Pinocchio promit, jura qu’il etudierait et que, desormais, il se conduirait bien. Toute l’annee, il tint parole. Aux prix, il fut le plus recompense de l’ecole. Son comportement provoqua tellement de louanges que la Fee, tres contente, lui annonca:

– Demain, Pinocchio, ton desir sera enfin satisfait!

– C’est a dire?

– Tu ne seras plus une marionnette en bois. Demain, tu deviendras un enfant comme les autres.

Qui n’a pas assiste a la joie de Pinocchio apprenant cette grande nouvelle ne peut pas l’imaginer! Tous ses copains, tous ses camarades d’ecole etaient invites le jour suivant a un grand gouter afin de feter l’evenement. La Fee avait fait preparer deux cents bols de cafe au lait et quatre cents tartines beurrees. Une journee qui promettait d’etre merveilleuse et joyeuse. Mais…

Malheureusement, dans la vie des marionnettes il y a toujours un «mais» qui gache tout.

Chapitre 30

Au lieu de se transformer en petit garcon, la marionnette part en cachette au Pays des Jouets avec son ami La Meche.

Naturellement, Pinocchio demanda tout de suite a la Fee la permission de sortir pour faire les invitations au gouter du lendemain. Celle-ci lui repondit:

– Va, mais rappelle-toi que tu dois etre rentre avant la nuit. Tu as bien compris?

– Dans une heure, je serai de retour – affirma la marionnette.

– Attention, Pinocchio! Les enfants promettent facilement mais, le plus souvent, ils ne tiennent pas parole.

– Moi, je ne suis pas comme les autres enfants. Quand je dis une chose, je la fais.

– On verra. Mais si tu desobeis, tu le regretteras.

– Pourquoi?

– Parce qu’il arrive toujours malheur aux enfants qui n’ecoutent pas ceux qui en savent plus long qu’eux.

– Je m’en suis deja apercu! – reconnut Pinocchio – Mais maintenant, on ne m’y reprendra plus!

– On verra bien si tu dis vrai.

Pinocchio ne repondit rien, dit au revoir a sa bonne Fee qui etait pour lui comme une maman et il partit en chantant et en esquissant des pas de danse.

Une heure plus tard, il avait fait le tour de tous ses amis pour les inviter.

Certains accepterent tout de suite avec joie, d’autres se firent un peu prier, mais quand ils surent que les tartines a tremper dans le cafe au lait seraient beurrees des deux cotes, ils finirent par dire: «D’accord, on viendra pour te faire plaisir».

Ici, il faut savoir que, parmi tous ses copains et camarades d’ecole, Pinocchio en preferait un qui lui etait particulierement cher. Celui-ci se prenommait Romeo mais tout le monde l’appelait La Meche a cause de son physique allonge et raide, comme une meche neuve pour lampe a huile.

La Meche etait le garcon le plus paresseux et le plus indiscipline de toute l’ecole, mais Pinocchio l’aimait beaucoup. Il etait alle chez lui en premier pour l’inviter au gouter et ne l’avait pas trouve. Il y retourna deux fois, sans plus de succes.

Ou pouvait-il le denicher? Il le chercha un peu partout. Finalement, il le retrouva cache sous le porche d’une ferme.

– Qu’est-ce que tu fais la? – demanda Pinocchio en s’approchant de lui.

– J’attends minuit pour partir.

– Ou vas-tu donc?

– Loin, tres loin!

– Je suis alle trois fois chez toi.

– Que me voulais-tu?

– Tu ne connais donc pas la grande nouvelle? Tu ne sais donc pas la chance que j’ai?

– Quelle chance?

– Demain s’acheve ma vie de marionnette. Je vais etre un garcon comme un autre.

– Grand bien te fasse!

– C’est pourquoi je t’invite a un gouter chez moi demain.

– Mais je te dis que je pars ce soir.

– A quelle heure?

– Bientot.

– Tu vas ou exactement?

– Je vais vivre dans le plus beau pays du monde, un vrai pays de cocagne!

– Comment s’appelle ce pays?

– C’est le Pays des Jouets. Tu ne veux pas venir avec moi?

– Moi? Certainement pas!

– Tu as tort, Pinocchio! Si tu ne viens pas, tu t’en repentiras, crois-moi. Car ou trouver ailleurs un pays aussi idyllique pour nous autres les enfants? Il n’y a ni ecole, ni maitres, ni livres. Dans ce pays beni, il n’y a rien a apprendre. Ici, le jeudi est un jour de conge. Eh bien, dans ce pays, la semaine se compose de six jeudis, plus le dimanche. Les grandes vacances commencent le Premier de l’An et finissent a la Saint-Sylvestre. Voila un pays qui me convient parfaitement! Tous les pays civilises devraient lui ressembler.

– Que fait-on de ses journees au Pays des Jouets? – interrogea la marionnette.

– On joue, on s’amuse du matin au soir. Le soir, on va au lit, et le lendemain matin, on recommence. Qu’en dis-tu?

– Hum! – fit Pinocchio avec un mouvement de tete approbateur qui semblait dire: «C’est une vie que je menerais volontiers, moi aussi».

– Alors, tu viens ou pas? Decide-toi!

– Non, non, non et non! J’ai promis a la Fee d’etre un bon garcon et de tenir mes promesses. D’ailleurs, je vois que le soleil se couche. Je te laisse et je file. Adieu et bon voyage!

– Mais ou es-tu si presse d’aller?

– Chez moi. Ma bonne Fee veut que je revienne avant la nuit.

– Attends au moins deux minutes.

– C’est que je suis deja en retard.

– Deux minutes seulement…

– Et si la Fee me gronde?

– Laisse-la dire. Apres, elle s’arretera – affirma ce polisson de La Meche.

– Tu pars seul ou avec d’autres? – questionna encore Pinocchio.

– Seul? Mais nous serons plus de cent!

– Et le voyage, vous le faites a pied?

– A minuit passera une charrette qui doit nous emmener dans ce pays extraordinaire.

– Qu’est-ce que je donnerai pour etre ici a minuit! – soupira Pinocchio.

– Pourquoi?

– Pour vous voir tous partir ensemble.

– Tu n’as qu’a rester et tu nous verras.