La fiancee ne dit rien. Elle pleure. Petit lapin s’en va. Petit lapin revient.
– Sers-les donc! lui dit-il. Sers-les donc! Les invites sont affames!
La fiancee ne dit rien. Elle pleure. Petit lapin s’en va. Petit lapin revient.
– Sers enfin! lui dit-il. Sers enfin! Les invites vont s’impatienter!
La fiancee ne dit toujours rien; alors petit lapin s’en va. Elle fait une poupee de paille, qu’elle habille de ses vetements, lui met une cuillere de bois dans la main, la pose devant la marmite au millet, puis s’en retourne chez sa mere.
Petit lapin revient encore une fois en criant:
– Vas-tu servir? Vas-tu servir?
Il se precipite sur la poupee de paille et lui frappe un coup sur la tete, qui lui fait tomber son bonnet.
Il s’apercoit alors que ce n’est pas sa fiancee et s’eloigne; et il est tout triste.
La Fille du Roi et la grenouille
Dans des temps tres anciens, alors qu'il pouvait encore etre utile de faire des v?ux, vivait un roi dont toutes les filles etaient belles. La plus jeune etait si belle que le soleil, qui en a cependant tant vu, s'etonnait chaque fois qu'il illuminait son visage. Non loin du chateau du roi, il y avait une grande et sombre foret et, dans la foret, sous un vieux tilleul, une fontaine. Un jour qu'il faisait tres chaud, la royale enfant partit dans le bois, et s'assit au bord de la source fraiche. Et comme elle s'ennuyait, elle prit sa balle en or, la jeta en l'air et la rattrapa; c'etait son jeu favori. Il arriva que la balle d'or, au lieu de revenir dans sa main, tomba sur le sol et roula tout droit dans l'eau. La princesse la suivit des yeux, mais la balle disparut: la fontaine etait si profonde qu'on n'en voyait pas le fond. La jeune fille se mit a pleurer, a pleurer de plus en plus fort; elle etait inconsolable. Comme elle gemissait ainsi, quelqu'un lui cria:
– Pourquoi pleures-tu, princesse, si fort qu'une pierre s'en laisserait attendrir?
Dessin de Walter Crane
Elle regarda autour d'elle pour voir d'ou venait la voix et apercut une grenouille qui tendait hors de l'eau sa tete grosse et affreuse.
– Ah! c'est toi, vieille barboteuse! dit-elle; je pleure ma balle d'or qui est tombee dans la fontaine.
– Tais-toi et ne pleure plus, dit la grenouille. Je vais t'aider. Mais que me donneras-tu si je te rapporte ton jouet?
– Ce que tu voudras, chere grenouille, repondit-elle, mes habits, mes perles et mes diamants et meme la couronne d'or que je porte sur la tete.
– Je ne veux ni de tes perles, ni de tes diamants, ni de ta couronne. Mais, si tu acceptes de m'aimer, si tu me prends comme compagne et camarade de jeux, si je peux m'asseoir a ta table a cote de toi, manger dans ton assiette, boire dans ton gobelet et dormir dans ton lit, si tu me promets tout cela, je plongerai au fond de la source et te rendrai ta balle.
– Mais oui, dit-elle je te promets tout ce que tu veux a condition que tu me retrouves ma balle.
Elle se disait: «Elle vit la, dans l'eau avec les siens et coasse. Comment serait-elle la compagne d'un etre humain?»
Quand la grenouille eut obtenu sa promesse, elle mit la tete sous l'eau, plongea et, peu apres, reapparut en tenant la balle entre ses levres. Elle la jeta sur l'herbe. En retrouvant son beau jouet, la fille du roi fut folle de joie. Elle le ramassa et partit en courant.
– Attends! Attends! cria la grenouille. Emmene-moi! je ne peux pas courir aussi vite que toi!
Mais il ne lui servit a rien de pousser ses «coa! coa! coa!» aussi fort qu'elle pouvait. La jeune fille ne l'ecoutait pas. Elle se hatait de rentrer a la maison et bientot la pauvre grenouille fut oubliee. Il ne lui restait plus qu'a replonger dans la fontaine.
Le lendemain, comme la petite princesse etait a table, mangeant dans sa jolie assiette d'or, avec le roi et tous les gens de la Cour, on entendit – plouf! plouf! plouf! plouf! – quelque chose qui montait l'escalier de marbre. Puis on frappa a la porte et une voix dit:
– Fille du roi, la plus jeune, ouvre moi!
Elle se leva de table pour voir qui etait la. Quand elle ouvrit, elle apercut la grenouille. Elle repoussa bien vite la porte et alla reprendre sa place. Elle avait tres peur. Le roi vit que son c?ur battait fort et dit:
Dessin de Walter Crane
– Que crains-tu, mon enfant? Y aurait-il un geant derriere la porte, qui viendrait te chercher?
– Oh! non, repondit-elle, ce n'est pas un geant, mais une vilaine grenouille.
– Que te veut cette grenouille?
– Ah! cher pere, hier, comme j'etais au bord de la fontaine et que je jouais avec ma balle d'or, celle-ci tomba dans l'eau. Parce que je pleurais bien fort, la grenouille me l'a rapportee. Et comme elle me le demandait avec insistance, je lui ai promis qu'elle deviendrait ma compagne. Mais je ne pensais pas qu'elle sortirait de son eau. Et voila qu'elle est la dehors et veut venir aupres de moi.
Sur ces entrefaites, on frappa une seconde fois a la porte et une voix dit:
Fille du roi, la plus jeune,
Ouvre-moi!
Ne sais-tu plus ce qu'hier
Au bord de la fontaine fraiche
Tu me promis?
Fille du roi, la plus jeune,
Ouvre-moi!
Le roi dit alors:
– Ce que tu as promis, il faut le faire. Va et ouvre!
Elle se leva et ouvrit la porte. La grenouille sautilla dans la salle, toujours sur ses talons, jusqu'a sa chaise. La, elle s'arreta et dit:
– Prends-moi aupres de toi!
La princesse hesita. Mais le roi lui donna l'ordre d'obeir. Quand la grenouille fut installee sur la chaise, elle demanda a monter sur la table. Et quand elle y fut, elle dit:
– Approche ta petite assiette d'or, nous allons y manger ensemble.
Dessin de Walter Crane
La princesse fit ce qu'on voulait, mais c'etait malgre tout de mauvais c?ur. La grenouille mangea de bon appetit; quant a la princesse, chaque bouchee lui restait au travers de la gorge. A la fin, la grenouille dit:
– J'ai mange a satiete; maintenant, je suis fatiguee. Conduis-moi dans ta chambrette et prepare ton lit de soie; nous allons dormir.
La fille du roi se mit a pleurer; elle avait peur du contact glace de la grenouille et n'osait pas la toucher. Et maintenant, elle allait dormir dans son joli lit bien propre! Mais le roi se facha et dit: