Милая кисанька, в эти минуты мне очень нужен твой совет. Молчание твоего брата весьма меня озадачило. Я надеялся, что по прибытии во Франкфурт найду от него письмецо в ответ на мое, написанное из Бадена три недели назад; это вполне достаточное время для того, чтобы мог прийти ответ, несмотря на любые расстояния, которые могли меняться из-за моего или его перемещения. Я в конце концов вынужден был предположить, что или мое письмо, прибыв в Мюнхен, так и осталось там лежать, или что твой брат уже покинул Остенде, или что, не дай Бог, заботы о Гюбере помешали ему ответить мне. Каковы бы ни были причины его молчания, я по-прежнему нахожусь в полном неведении о нем и даже не могу предположить, застану ли я его в Остенде, если отправлюсь туда. И однако мне не хотелось бы совершать это путешествие впустую, и точно так же я не могу смириться с тем, чтобы побывать в Германии и не повидаться с ним… К настоящему времени у меня осталось еще две сотни дукатов, но это вовсе не много для того, чтобы оплатить дополнительный багаж для провоза по железной дороге твоей коляски. Однако я постараюсь ее тебе привезти, мне бы хотелось, чтобы моя поездка имела хоть какой-нибудь практический результат. Я нуждаюсь в этом, чтобы оправдаться в собственных глазах. Я очень рассчитываю по проезде через Берлин просить новую курьерскую дачу. Но найдется ли таковая для меня?.. Все эти соображения рассеялись бы, если бы я был уверен, что застану твоего брата в Остенде, но там ли он еще?..

Ах, что же делать?.. Прощай, милая кисанька. Я вижу, что ты не хочешь отвечать мне, а писание писем меня раздражает.

Весь твой и только твой.

Ф. Т.

Тютчевой Эрн. Ф., 17/29 августа 1847

143. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 17/29 августа 1847 г. Франкфурт-на-Майне

Francfort s/M. Ce 17/29 août 1847

Je reçois à l’instant même ta lettre du 1/13 de ce mois de Hapsal et conformément à tes indications je t’adresse la mienne à St-Pétersbourg où, j’espère, qu’elle te trouvera déjà arrivée saine et sauve. Ton avant-dernière lettre m’a été remise par mon frère que j’ai trouvé ici, arrivé de la Vienne il y a huit jours de cela, au retour d’une excursion que j’ai faite à Ems et sur les bords du Rhin. Je suis encore sous le coup du détestable malentendu qui m’a fait manquer l’entrevue avec ton frère, chose dont je ne puis me consoler et que même à présent je ne puis me résigner à accepter comme définitive. Tu sais que j’avais écrit à ton frère de Bade le 20 juillet, et j’ai attendu une réponse à cette lettre jusqu’au 11 août à Francfort et jusqu’au 18 à Ems, après avoir donné les ordres nécessaires pour que sa lettre m’y fut transmise. N’en ayant eu de nouvelles à la date du 18 août, c’est-à-dire tout un mois après la lettre que je lui avais écrite, j’ai dû penser ou que ma lettre ne lui était pas parvenue, ou qu’il avait déjà quitté Ostende. Je me résignais donc à revenir à Francfort après avoir flâner trois ou quatre jours sur les bords du Rhin, et ce n’est qu’à mon retour ici que j’ai reçu une lettre de ton frère, toute bonne et toute aimable, mais beaucoup trop tardive et qui m’est parvenue juste à point pour irriter tous mes regrets. Peste soit des contretemps et des malentendus. Maintenant, pour avoir le dernier mot dans cette contrariété, je serais homme à aller encore d’ici à Ostende, si deux considérations ne m’arrêtaient — le manque de temps et la crainte d’un autre manque, plus essentiel encore, celui de l’argent…

Mon frère m’a fait grand plaisir en m’apprenant qu’il t’avait remis la somme de 1500 r ar, toutefois je ne regrette nullement de t’en avoir expédié d’ici. Tu ne saurais être assez hantée d’argent au moment de ta rentrée à Pétersb. Quant à moi, j’ai encore par-devers moi 150 ducats, pour défrayer mon retour. Peut-être par surcroît de précaution me ferai-je avancer p Rotschild mes appointements des derniers mois, sauf à ne pas y toucher, si c’est possible.

Quant à ce retour, voici l’itinéraire que j’ai adopté. Et d’abord un mot de ta voiture. Après mûr examen nous avons reconnu, mon frère et moi, que le transport de la voiture par la voie de fer jusqu’à Stettin et de là par le bateau à vapeur à Kronstadt reviendrait énormément cher (sur le chemin de fer, p ex, une voiture comme la tienne paye 11/2 écu de Prusse par mille d’Allemagne, sans qu’il fut permis au propriétaire de s’y placer). C’est pourquoi nous nous sommes décidés à expédier la dite voiture par la voie du Rhin, jusqu’à Rotterdam où elle sera embarquée sur un bâtiment marchand, de sorte que son transport, effectué par cette voie, reviendra tout au plus à une centaine de florins, tandis qu’il aurait coûté le triple, en emmenant la voiture avec moi. Quant à moi, je suis décidé à rentrer par Varsovie, où je trouverai une voiture du Comte Orloff qu’il a mis à ma disposition avec toute sorte d’instance de m’en servir, de préférence à tout autre moyen de transport. L’itinéraire en question a le grand avantage de me faire faire presque la moitié du voyage par le chemin de fer, attendu que je vais le prendre à 40 lieues de Francfort et qu’il me conduit, sauf une lacune, jusqu’à Varsovie même. Cela me fait échapper aussi ici l’inconvénient d’une traversée de mer aux approches de l’équinoxe. Eh bien, que dis-tu de cet arrangement. N’est-il pas très pratique et très bien imaginé. Mais ne vas pas t’effrayer de l’idée que par cette voie je te reviendrai plutôt que tu ne le voudrais, car j’ai encore Weimar sur les bras, et Dieu sait si j’en serai quitte à moins d’une dizaine de jours. Tu as à peu près deviné le projet auquel je faisais allusion dans une de mes lettres, sauf seulement que ce n’est pas auprès de la Grande-Duchesse M est que je voudrais pouvoir placer Anna, mais aussi de sa future belle-sœur, la future G-Duchesse Constantin, et c’est doit assurer quelque chance de succès à ce projet, par l’entremise de la Grande-Duchesse de Weimar que je me trouve dans le cas de devoir m’arrêter à Weimar plus longtemps probablement que cela ne m’amusera. J’aime à croire que dans cette circonstance au moins Clotilde cherchera un peu à utiliser pour la nièce l’affection qu’elle prétend lui porter. Je t’avoue que la réussite de cette affaire me comblerait de joie, ce serait un bien lourd fardeau qui me serait ôter de dessus le cœur, un fardeau qui m’écrase et m’irrite… plus que je ne veux le dire…

Quand tu verras le Pce Wiasemsky, dis-lui que j’ai passé de bien bons moments avec Joukoffsky à Ems d’abord où nous avons passé six jours ensemble à lire son Odyssée et à parler de toute chose au monde, du matin au soir…

Ce sera vraiment une grande et belle œuvre que son Odyssée et je lui ai dû d’avoir retrouver en moi la faculté assoupie depuis bien longtemps, celle de m’associer pleinement et franchement à une jouissance purement littéraire. Aussi a-t-il paru très satisfait de la sympathie que son œuvre m’a fait éprouver — et il avait raison, car c’était sympathie sans phrases. J’en ai aussi beaucoup pour sa femme, une noble et douce créature, descendue tout exprès vers lui de quelque bon tableau de la vieille école allemande. J’avoue que ce genre, à la longue, m’affadirait un peu. Mais dans de certains moments j’en aime assez la paisible et candide suavité. Cela me repose de moi-même et de beaucoup d’autres…

Hier, le 28 août, Joukoffsky et moi, nous avons dîné ensemble à l’hôtel de Russie. C’était hier le 98ème anniversaire de la naissance d’un assez célèbre bourgeois de Francfort, de Goethe. Mais je crois vraiment que nous avons été les deux seuls individus à Francfort qui ayons eu la bonhomie de nous être rappelé cet illustre anniversaire. Aujourd’hui J est à Darmstadt où il assiste aux noces de G. Gagarine qui épouse aujourd’hui même la plus moricaude jeune personne que j’aie jamais vue.