Вяземскому П. А., март 1848

147. П. А. ВЯЗЕМСКОМУ Март 1848 г. Петербург

Ce vendredi

Votre livre, mon Prince, m’a procuré une véritable jouissance. Car c’en est une très réelle que de lire un livre européen écrit en russe, un livre où l’on entre, p a d, de plain-pied en arrivant d’Europe, tandis que dans la règle, en abordant presque tout ce qui se publie chez nous, on a toujours quelques marches à descendre.

Et cependant c’est parce que votre livre est européen qu’il est éminemment russe. Le point de vue où il se place, est le clocher d’où l’on découvre la ville. Le passant dans la rue ne la voit pas. La ville, comme telle, n’existe pas pour lui. Voilà ce que ne veulent pas comprendre tous ces Messieurs qui s’imaginent faire de la littérature nationale, en se noyant dans le détail. Le plus grand succès que l’on puisse désirer non pas à votre livre, mais au public qui le lira, c’est qu’il sache lire ce qui s’écrit entre les lignes. Quand il en sera là, il sera déjà bien avancé.

Un bien grand inconvénient de notre position c’est cette obligation où nous sommes d’appeler du nom d’Europe un fait qui ne devrait jamais s’appeler que par son propre nom: la Civilisation. Voilà où est la source pour nous d’interminables erreurs et d’inévitables équivoques. Voilà ce qui fausse toutes les idées parmi nous… Au reste, je me persuade de plus en plus, que tout ce que l’imitation pacifique de l’Europe a pu faire, a pu donner, nous l’avons déjà. C’est assez peu de chose après tout. Cela n’a pas brisé la glace. Cela n’a fait que la recouvrir d’une mousse qui simule assez bien la végétation. Maintenant nul progrès réel n’est possible que par la lutte. Voilà pourquoi cette hostilité qui se déclare contre nous en Europe est, peut-être le plus grand silence qu’elle pût nous rendre. C’est quelque chose de tout à fait providentiel.

Il fallait cette hostilité, de jour en jour plus déclarée, pour nous faire à rentrer en nous-mêmes, pour nous obliger à nous comprendre. Or, pour la société, comme pour l’individu la première condition de tout progrès, c’est de se comprendre. Il y a, je sais, parmi nous des gens qui disent qu’il n’y a rien en nous qui vaille la peine d’être compris. Si cela était, il n’y aurait plus qu’un parti à prendre, ce serait celui de cesser d’être, et ceci, je pense, n’est l’avis de personne.

Bonjour, mon Prince. Je vous réitère encore une fois tous mes remerciements. Comptez-vous aller ce soir chez Mad. Smirnoff?

Mille respects. T. Tutchef

Перевод

Пятница

Ваша книга, князь, доставила мне истинное наслаждение, ибо действительно испытываешь наслаждение, читая европейскую книгу, написанную по-русски, книгу, к чтению которой приступаешь, не спускаясь, так сказать, с уровня Европы, тогда как почти всё, что печатается у нас, как правило, стоит несколькими ступенями ниже.

А между тем именно потому, что она европейская, ваша книга — в высокой степени русская. Взятая ею точка зрения есть та колокольня, с которой открывается вид на город. Проходящий по улице не видит его. Для него город как таковой не существует. Вот чего не хотят понять эти господа, воображающие, что творят национальную литературу, утопая в мелочах. Наибольшего, чего можно пожелать — не вашей книге, а публике, которая будет ее читать, — это чтобы она сумела уразуметь то, что пишется между строк. Достигнув этого, она уже достигнет многого.

Очень большое неудобство нашего положения заключается в том, что мы принуждены называть Европой то, что никогда не должно бы иметь другого имени, кроме своего собственного: Цивилизация. Вот в чем кроется для нас источник бесконечных заблуждений и неизбежных недоразумений. Вот что искажает ваши понятия… Впрочем, я более и более убеждаюсь, что всё, что могло сделать и могло дать нам мирное подражание Европе, — всё это мы уже получили. Правда, это очень немного. Это не разбило лед, а лишь прикрыло его слоем мха, который довольно хорошо имитирует растительность. Теперь никакой действительный прогресс не может быть достигнут без борьбы. Вот почему враждебность, проявляемая к нам Европой, есть, может быть, величайшая услуга, которую она в состоянии нам оказать. Это, положительно, не без промысла.

Нужна была эта с каждым днем все более явная враждебность, чтобы принудить нас углубиться в самих себя, чтобы заставить нас осознать себя. А для общества, так же как и для отдельной личности — первое условие всякого прогресса есть самопознание. Есть, я знаю, между нами люди, которые говорят, что в нас нет ничего, что стоило бы познавать. Но в таком случае единственное, что следовало бы предпринять, это перестать существовать, а между тем, я думаю, никто не придерживается такого мнения.

Прощайте, князь. Еще раз благодарю вас. Рассчитываете ли вы отправиться сегодня вечером к госпоже Смирновой?

С глубочайшим почтением. Ф. Тютчев

Тютчевым Д. Ф. и Е. Ф., осень 1849

148. Д. Ф. и Е. Ф. ТЮТЧЕВЫМ Осень 1849 г. Петербург

Mes chères filles. J’ai vu hier la tante Mouravieff à son retour de Smolna, et il a été convenu entre nous que c’est elle qui passerait chez Madame Léontieff dans le courant de la semaine prochaine pour lui demander de vous laisser aller chez elle. Je suis bien contrarié, mes chères enfants, de me trouver ainsi toujours dans le cas de vous contrarier…et je compte bien venir demain vous en demander humblement pardon. En attendant je vous embrasse de tout mon cœur.

T. Tutchef

Перевод

Милые мои дочери, я виделся вчера с тетушкой Муравьевой по ее возвращении из Смольного, и мы порешили между собой, что она поедет к госпоже Леонтьевой на будущей неделе и попросит ее отпустить вас к себе. Я весьма огорчен, мои милые дети, тем, что мне приходится постоянно причинять вам огорчение…и рассчитываю завтра смиренно испросить у вас прощения за это. Пока же обнимаю вас от всего сердца.

Ф. Тютчев

Тенгоборскому Л. В., 3 декабря 1849

149. Л. В. ТЕНГОБОРСКОМУ 3 декабря 1849 г. Петербург

Monsieur,

J’ai lu votre mémoire avec une bien grande satisfaction, j’oserai dire, avec une satisfaction d’amour-propre. Car j’y ai trouvé la confirmation éclatante de tout ce que j’ai pensé, c’est-à-dire pressenti et conjecturé au sujet de l’Autriche, car pour voir il faut être sur les lieux. En l’absence des objets on ne peut que les pressentir. Votre mémoire contient des paroles d’or, même à notre adresse.

Mais savez-vous l’impression définitive qui m’en est restée relativement à l’Autriche? C’est que ce pays est décidément et sans retour voué à la révolution, et cela par une très simple raison: c’est que l’Autriche, dans l’intérêt de sa conservation, même momentanée, est obligée de se faire plus allemande que jamais. Or, n’en déplaise à ceux que ce fait contrarie beaucoup, la civilisation allemande, la pensée, l’intelligence allemande — die deutsche Bildung, telle que la voilà faite et constatée, est révolutionnaire d’outre en outre — il n’y a plus une fibre en elle qui n’appartienne à la révolution. Ceux qui nieraient cela, ou ne veulent pas voir, ou sont incapables de voir le principe sous les apparences. Et voilà pourquoi la constitution du 4 Mai n’est pas un accident, mais une nécessité que les gouvernants en Autriche ne secoueront jamais. C’est le lien par lequel ils se rattachent non pas à l’Allemagne, mais à la pensée, à la civilisation allemande. Et maintenant quoi qu’ils fassent, qu’ils essaient de pratiquer consciencieusement des institutions impraticables, ou bien qu’ils fassent de l’arbitraire, de la bureaucratie et de la dictature, tout ce qu’ils feront sera nécessairement révolutionnaire.