Тютчевой А. Ф., 22 декабря 1841/3 января 1842

67. А. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 22 декабря 1841/3 января 1842 г. Мюнхен

Munich. Ce 3 janvier 1842

Je suis bien coupable envers toi, ma bonne et chère Anna, d’avoir tardé si longtemps à répondre à tes lettres. Sois néanmoins bien persuadée, mon enfant, qu’elles m’ont fait le plus grand plaisir et que je suis tout heureux de te savoir heureuse auprès de la tante Clotilde, à qui, toi et moi, nous ne saurions témoigner assez de reconnaissance. Je suis entièrement satisfait des détails que tu nous donnes sur la vie que tu mènes et sur tes occupations, et j’aime à te savoir dans la société des personnes que tu nommes et dont quelques-unes me sont personnellement connues, telles, par ex, que Mr Frölich et son excellente fille. Rappelle-moi à leur souvenir, aussi qu’à celui de Mad. Schwendler quand tu la verras…

Je ne te recommande pas l’application à l’étude, tu es naturellement studieuse. Mais j’aimerais bien, mon enfant, te voir prendre dès à présent l’habitude d’apprêter à chaque chose que tu entreprends, toute l’attention et le soin nécessaire, pour que la chose soit bien et proprement faite.

Qu’une lettre, p ex, ne se recommande pas seulement par un style et une orthographe corrects, mais qu’elle soit encore proprement et soigneusement écrite. Sous ce rapport tu ne saurais trouver un meilleur exemple à faire, que celui de l’oncle Maltitz, ni un pire à éviter que celui de ton père. Et quant à l’oncle Maltitz, tu es bien heureuse, ma chère Anna, d’avoir rencontré à ton premier début dans la vie un homme tel que lui. Maintenant tu ne peux que l’aimer. Plus tard tu comprendras, combien il méritait d’être aimé.

Je n’entre pas dans des détails relativement à la vie que nous menons. Maman, je le sais, te tient au courant de tout ce qui se passe dans la maison. Tu nous as bien manqué le jour du Christ-Kind, et quant à moi, ma bonne Anne, il n’y a que l’idée de te savoir parfaitement heureuse et contente là où tu es, qui puisse me faire supporter la privation de ne plus te voir ici. Je me flatte néanmoins que nous nous reverrons avant peu.

Напиши мне, начинаешь ли ты понимать то, что читаешь по-русски, и извести меня, когда ты будешь говеть?

Bonne année, ma chère enfant. T. T.

Перевод

Мюнхен. 3 января 1842

Я очень виноват перед тобой, добрая, милая Анна, потому что долго не отвечал на твои письма. Однако не сомневайся, моя девочка, в том, что они доставили мне самую большую радость, и я счастлив, что ты благополучна рядом с тетушкой Клотильдой, которой я, так же как и ты, не нахожу слов для благодарности. Я совершенно удовлетворен тем, что ты сообщаешь мне о своей жизни и занятиях, и я рад, что ты находишься в обществе тех людей, кого ты называешь в письмах, многих я знаю лично, например, г-на Фрелиха и его бесценную дочь. Передай им мой поклон, а также г-же Швендлер, когда ее увидишь…

Я не призываю тебя к усердию в ученье, ты и сама прилежна от природы. Но мне бы хотелось, моя девочка, чтобы у тебя отныне вошло в привычку в каждое начатое дело вкладывать все свое внимание и старанье, чтобы успешно и без-укоризненно довести до конца всякое дело. Чтобы, к примеру, письмо отличалось не только своим стилем и верным правописанием, но и было чисто и аккуратно написано. В этом отношении тебе не найти лучшего образца, чем дядюшка Мальтиц, и худшего — чем твой отец; тебе посчастливилось, милая Анна, в начале своей жизни узнать такого человека, как он. Теперь пока ты можешь просто любить его. Позднее ты поймешь, сколь он достоин этой любви.

Я не вхожу в подробности нашей жизни. Я знаю, что мама держит тебя в курсе всего, что происходит дома. Нам очень недоставало тебя в день Christ-Kind,[15] и что до меня, моя добрая Анна, только мысль о том, что ты совершенно счастлива и довольна там, где ты сейчас находишься, дает мне возможность переносить горечь от того, что ты не рядом с нами. Однако я льщу себя надеждой на скорую встречу.

Напиши мне, начинаешь ли ты понимать то, что читаешь по-русски, и извести меня, когда ты будешь говеть?

С новым годом, милая доченька. Ф. Т.

Тютчевым И. Н. и Е. Л., 1/13 марта 1842

68. И. Н. и Е. Л. ТЮТЧЕВЫМ 1/13 марта 1842 г. Мюнхен

Munich. Ce 1/13 mars 1842

Enfin, après cinq mois de silence, c’est hier que j’ai reçu votre lettre du 8 novembre de l’année dernière. C’est mon frère qui vient de me l’envoyer de Varsovie. Je vois bien par ses explications qu’il y a eu beaucoup de malentendus dans cette affaire. Je n’accuse personne, mais je vous avoue que j’aurais été très reconnaissant si l’on m’eût épargné le chagrin et l’inquiétude que ces cinq mois de silence m’ont fait éprouver… Au mois d’octobre dernier je reçus une lettre de Nicolas qui m’annonçait qu’il allait quitter le service et qu’il allait nous arriver vers la fin de l’année. Je n’ai pas besoin de vous dire la joie que cette nouvelle nous avait laissé, et comme Nicolas nous annonçait son arrivée en termes très positifs, j’ai cru que nous pouvions nous permettre de l’attendre tout de bon. Mais voilà que le nouvel an arrive sans nous l’amener, ni lui-même, ni une lettre de lui, ni le moindre signe de lui ou de vous. Dans l’incertitude où ce silence m’avait mis je me décide à vous écrire directement, en adressant ma lettre à Orel. Et voilà deux mois passés que je suis dans l’attente d’une réponse à cette lettre. Enfin il y a une quinzaine de jours environ j’ai écrit à Minsk pour demander à ma sœur des nouvelles, tant de vous que de Nicolas, lorsque hier une lettre arrivée de Varsovie et qui contenait celle que vous m’avez écrite, chers papa et maman, en date du 8 du mois de novembre dernier, est fort heureusement arrivée pour tranquilliser, en partie au moins, mes inquiétudes. Je vois bien par les explications de Nicolas que c’est l’attente où il est depuis des mois de se mettre en route pour venir me rejoindre qui l’a engagé à différer de me transmettre dans le temps votre lettre du mois de novembre, mais cela ne m’explique pas, comment il se fait que depuis lors vous ne m’ayez plus donné signe de vie? La dernière lettre que je vous ai écrite a plus de deux mois de date, et je suis encore à attendre la réponse à l’heure qu’il est. Le cours des postes a beau être inexact. Jusqu’à présent au moins je n’avais jamais remarqué cette persévérance d’irrégularité, car depuis une année voilà du compte fait trois de mes lettres qui ne vous sont pas parvenues. Je ne saurais non plus supposer que ce soit à dessein qu’on supprime mes lettres. Pourquoi et dans quel intérêt le ferait-on? Et si on les ouvre, eh bien, qu’on vous les envoie au moins ouvertes.

Nous avons eu un bien triste hiver. Il a commencé par la mort de la pauvre Reine douairière, ce qui a mis pour tout l’hiver la ville entière en deuil. Puis sont arrivées les maladies, des fièvres de toute espèce qui ont fait ravage et qui continuent encore, si bien que la mortalité a été plus forte dans ces derniers temps qu’à l’époque même du choléra. Dans notre ménage il n’y a que ma femme qui se soit ressentie de cette détestable influence. Elle s’était fort bien portée jusqu’à la fin de janvier, mais depuis ce moment elle a été constamment souffrante: elle va mieux maintenant, mais les médecins insistent pour qu’elle aille l’été prochain à Kissingen et de là aux bains de mer. Ma santé est fort bonne et celle des enfants aussi. Anna est à Weimar depuis le mois de novembre. Elle s’y trouve extrêmement heureuse entre sa tante et Maltitz qui a pour elle la plus tendre affection. Le séjour de Weimar est, il est vrai, passablement insipide pour quelqu’un qui a roulé dans le monde, offre toute sorte d’avantages et d’agréments à une enfant de douze ans, car toute la ville est comme un grand pensionnat. Clotilde m’écrit que la Grande-Duchesse qui voit Anna une fois ou deux dans la semaine, lui témoigne beaucoup de bienveillance. L’aumônier de la Grande-Duchesse lui donne des leçons du catéchisme et de langue russe, et elle a en outre toute sorte de maîtres et d’occupations.