Et une fois seuls, le prince demanda:
– Pendant le trajet vers l’eglise, tu as parle de la princesse Meline a laquelle j’ai ete fiance. Si Je pouvais esperer que cela fut possible, je penserais qu’elle est devant moi; tu lui ressembles tant!
Et la jeune fille repondit:
– Je suis Meline, celle qui, par amour pour toi, fut emprisonnee pendant sept ans dans un cachot obscur, celle qui a souffert de faim et de soif et qui a vecu si longtemps dans la misere et la detresse. Mais aujourd’hui enfin le soleil a de nouveau brille pour moi. On nous a maries a l’eglise et je suis ta femme legitime. Ils s’embrasserent et vecurent heureux jusqu’a la fin de leurs jours.
Le Puits enchante
Une veuve, qui s’etait remariee, avait deux filles tres belles dont l’une etait travailleuse, et l’autre plutot paresseuse. Elle avait pour preferee cette derniere parce que c’etait sa propre fille. Quant a l’autre fillette, elle n’etait pas beaucoup appreciee: on la faisait travailler dur toute la journee et on la traitait comme une servante.
La pauvre fillette devait chaque jour se rendre au bord du puits et filer jusqu’a ce qu’elle en ait le bout des doigts en sang. Un jour, alors que la bobine etait toute tachee, la fillette se pencha au-dessus du puits pour la nettoyer. Mais la bobine lui glissa des mains et tomba tout au fond. Elle courut en pleurant chez sa belle-mere et lui raconta son malheur, mais la maratre, impitoyable, la reprimanda violemment et lui dit: «Tu as laisse tomber la bobine au fond du puits, alors tu devras aller la reprendre!» La fillette, bouleversee, retourna au puits sans savoir comment elle allait s’y prendre. Son c?ur en detresse lui commanda de sauter; ce qu’elle fit. En atteignant le fond du puits, elle perdit connaissance.
Lorsqu’elle reprit ses esprits, un soleil radieux brillait au-dessus d’elle, et un champ merveilleux rempli de millier de fleurs l’entourait. La fillette se mit a marcher et arriva pres d’un four dans lequel beaucoup de pains cuisaient. Les pains lui crierent: «He, sors-nous du four, sors-nous du four, nous allons bruler! Nous cuisons depuis bien trop longtemps deja.» La fillette s’approcha du four, et en sortit toutes les miches les unes apres les autres. Elle poursuivit sa route et arriva pres d’un pommier qui ployait sous le poids de ses fruits. L’arbre lui cria: «He! Secoue-moi, secoue-moi, mes pommes vont se gater! Elles sont mures depuis bien trop longtemps deja.» La fillette secoua le pommier et les pommes tomberent sur le sol comme une pluie. Lorsqu’elle les eut rassemblees en un tas, elle reprit son chemin.
Finalement, elle parvint a une petite maison et y apercut une vieille femme. Quand elle vit que la vieille avait de tres longues dents, elle s’effraya et voulut s’enfuit a toutes jambes, mais la vieille femme lui dit: «N’aie pas peur chere enfant, reste avec moi. Si tu tiens ma maison en ordre, alors tu ne manqueras de rien. Tu dois seulement t’assurer de bien faire mon lit et de secouer assidument mon oreiller a la fenetre, de sorte que les plumes s’en echappent et qu’ainsi il puisse neiger sur la Terre. Car c’est moi qui fait la neige: je suis la Dame Neige.» Elle la persuada si bien que la fillette se calma, consentit et se rendit a son service. Jour apres jour, la jeune fille secoua fidelement l’oreiller pour que des flocons de neige s’en echappent et elle fit tout ce qu’il fallait pour satisfaire la vieille dame. La vie etait douce aupres d’elle: jamais de reprimandes et chaque jour de bons repas.
Alors qu’elle servait la Dame Neige depuis un bon moment deja, la fillette en vint a se sentir triste. Au debut, elle ne sut pas exactement ce qui pouvait la rendre ainsi, mais elle finit par comprendre qu’elle avait le mal du pays: bien qu’ici elle fut traitee mille fois mieux qu’a la maison, son chez-soi lui manquait. Un jour, elle alla voir la vieille dame et lui dit: «J’ai le mal du pays, et meme si tout va tres bien ici, je ne peux rester plus longtemps. Je dois retourner parmi les miens.» La Dame Neige repondit: «Je suis heureuse que tu veuilles retourner chez-toi. Et comme tu m’as servie si fidelement, je vais te raccompagner.» Elle prit la fillette par la main et la conduisit devant un grand portail. Au moment meme ou la fillette franchissait le seuil, une pluie d’or s’abattit sur elle; tout cet or se fixa sur ses vetements et il en tomba tant qu’elle en fut completement recouverte. Puis, le portail se referma, et la fillette se retrouva sur la Terre, non loin de sa demeure.
Quand elle entra dans la court, le coq, qui se tenait sur le rebord du puits, se mit a crier: «Cocorico! Notre precieuse jeune fille est de retour!» La fillette entra dans la maison et, parce qu’elle etait toute recouverte d’or, fut bien accueillie par sa mere et sa s?ur. Elle leur raconta alors tout ce qu’elle avait vecu. Lorsque la mere entendit comment elle avait recu tant de richesse, elle voulut que sa premiere fille, celle qui etait paresseuse, aille se procurer le meme bonheur. Celle-ci dut s’asseoir aupres du puits et se mettre a filer. Trop paresseuse, elle ne fila pas: pour qu’il y ait du sang sur la bobine, elle se mit plutot les mains dans les eglantiers et se piqua les doigts. Elle lanca ensuite la bobine au fond du puits et s’y jeta elle-meme.
Elle se reveilla elle aussi au milieu du magnifique champ fleuri. Elle emprunta le meme chemin que sa s?ur, et lorsqu’elle arriva pres du four, les pains lui crierent: «He, sors-nous du four, sors-nous du four, nous allons bruler! Nous cuisons depuis bien trop longtemps deja.» Mais la paresseuse leur repondit: «Je n’ai pas envie de me salir!» Et elle passa son chemin. Elle arriva bientot pres du pommier qui lui cria: «He! Secoue-moi, secoue-moi, mes pommes vont se gater! Elles sont mures depuis bien trop longtemps deja.» Mais elle lui repondit: «Pas question! Je pourrais en recevoir une sur la tete.» Et elle passa son chemin.
Lorsqu’elle parvint a la maison de Dame Neige, elle ne s’effraya pas, sachant deja que la vieille dame avait de tres longues dents, et elle se fit aussitot engager. Le premier jour, elle accomplit toutes les taches qui lui etaient assignees, car elle pensait a sa recompense. Mais le deuxieme jour, elle recommenca a etre un peu paresseuse, et un peu plus le troisieme. Finalement, elle ne voulut meme plus se lever le matin et ne secoua plus l’oreiller comme elle avait convenu de le faire.
Dame Neige en eut bientot assez et decida de la congedier. La paresseuse s’en rejouit, songeant a la pluie d’or qui l’attendait. Mais lorsqu’elle traversa le seuil du grand portail, ce ne fut point de l’or qu’elle recut, mais plutot un plein chaudron de poix gluante et collante. «Voila ta recompense pour ta paresse et tes mauvais services!», lui dit la vieille dame en claquant la porte.
La paresseuse se retrouva chez-elle, toute couverte de cette poix, et quand le coq l’apercut, il se mit a crier: «Cocorico! Notre poisseuse jeune fille est de retour!» La fillette eut beau se laver et se laver encore, la poix resta coller sur elle jusqu’a la fin de ses jours.