– Tu m’as delivre du pouvoir de la vieille, qui est une mechante sorciere. C’est elle qui m’avait change en arbre, et pendant quelques heures, chaque jour, j’etais une colombe blanche; mais tant qu’elle gardait l’anneau en sa possession, je ne pouvais pas reprendre ma forme humaine. Le sort avait egalement frappe les serviteurs et les chevaux du jeune seigneur, qui furent delivres en meme temps que lui, apres avoir ete, tout comme lui, changes en arbre a ses cotes. Ils reprirent leur voyage avec la jeune fille et chevaucherent jusque dans leur royaume, car le jeune seigneur etait le fils d’un roi. Alors, ils se marierent et ils vecurent heureux.

La Vieille mendiante

Il etait une fois une vieille femme comme tu en as certainement vu deja. une vieille femme qui mendiait. Celle-la mendiait donc, et a chaque fois qu’on lui donnait quelque chose, elle disait: «Dieu vous le rende!» Mais elle vint un jour sur le seuil d’un gai luron qui se rechauffait au coin du feu et qui lui dit gentiment, en la voyant trembler a la porte: «Mais entrez donc, grand-mere, et rechauffez-vous!» La pauvre vieille s’avanca et s’approcha si pres du feu que ses loques s’enflammerent et commencerent a bruler, sans qu’elle s’en apercut. Le jeune et gai luron s’en apercut fort bien, lui qui se trouvait la, au coin du feu. Il aurait du eteindre. N’est-ce pas qu’il aurait du eteindre? Et s’il n’avait pas d’eau sous la main, il pouvait pleurer toutes les larmes de son c?ur et eteindre le feu avec les deux rigoles ruisselant de ses yeux.

Le Renard et le cheval

Un paysan avait un vieux cheval fidele, mais si vieux qu’il n’etait plus bon a rien; alors son maitre, qui ne voulait plus nourrir cette bouche inutile, lui parla comme ceci:

– Il est clair que je ne peux plus me servir de toi, et bien que j’aie pour toi les meilleurs sentiments, je ne pourrai te garder et continuer a te nourrir que si tu te montres assez fort pour m’amener un lion ici. Fn attendant, tu vas sortir immediatement de l’ecurie! Le pauvre cheval s’en alla tristement a travers les pres, se dirigeant vers la foret, ou il pourrait au moins trouver un abri contre le mauvais temps. Sur son chemin, il rencontra le renard qui lui demanda pourquoi il avait ainsi la tete basse, le pas lent et l’air si abandonne.

– Helas! dit le cheval, lesine et loyaute ne sauraient partager le meme toit! Mon maitre a vite oublie les nombreuses annees pendant lesquelles j’ai trime pour lui, et parce que je ne puis plus guere labourer, maintenant que j’ai vieilli, il me chasse et ne veut plus me nourrir.

– Comme cela, sans la moindre consolation? s’informa le renard.

– Pietre consolation que la sienne! Il m’a dit que si je me montrais assez fort pour lui amener un lion, il me garderait; mais il sait fort bien que j’en suis incapable.

– Attends, dit le renard, je vais te preter assistance. Couche-toi la par terre et fais le mort. Ne bouge plus. Le cheval se soumit au desir du renard, qui trottina jusqu’a la taniere du lion, qu’il connaissait et savait toute proche.

– il y a la-bas un cheval mort, annonca-t-il au lion. Viens, sors avec moi, je vais t’y conduire et tu pourras faire bombance! Le lion suivit le renard, et lorsqu’ils furent pres du cheval mort, le renard lui dit:

– Ecoute, tu ne seras jamais assez tranquille par ici pour prendre tout ton temps. Tu ne sais pas ce que nous allons faire? En me servant des crins de sa queue, je vais l’attacher solidement derriere toi et tu n’auras plus qu’a le trainer dans ta taniere, ou tu pourras le devorer tout a loisir. Le lion trouva l’idee excellente et se preta de bon gre a la man?uvre, se tenant bien tranquille pour que le renard put l’attacher au cheval en serrant solidement ses n?uds. Mais le renard, pendant ce temps, se servait de la queue du cheval pour lier etroitement les pattes du lion, bouclant, serrant et resserrant ses liens les uns sur les autres, de telle maniere qu’il ne put ni les rompre, ni les defaire en y mettant toute sa force. L’operation terminee, il se pencha vers le cheval et lui frappa sur l’epaule en lui disant – «Hue, mon Bijou! Hue, tire-le!» Le vieux cheval se redressa brusquement et traina derriere lui le lion rugissant, rugissant si fort que tous les oiseaux de la foret s’envolerent a la fois, completement terrorises. Le cheval, lui, laissa le lion rugir autant qu’il le voulait, sans cesser pour autant de le tirer a travers champs jusqu’a la porte de la maison de son maitre. Revenant a de meilleurs sentiments en voyant la chose, son maitre lui dit alors: «Je te garde et tu auras la belle vie.» Et depuis ce jour-la jusqu’a sa mort, il eut toujours son content a manger, et le meilleur fourrage.

Le Vieux grand-pere et son petit-fils

Il etait une fois un tres, tres vieil homme, si vieux que ses yeux n’y voyaient plus guere tant ils etaient troubles, que ses oreilles n’entendaient plus du tout et que ses pauvre vieux genoux tremblaient sous lui. Ses mains aussi tremblaient, et il tenait si mal sa cuillere quand il etait a table, qu’il renversait souvent de la soupe devant lui, et meme parfois manquait sa bouche. Son fils et la femme de celui-ci en etaient degoutes, qu’ils finirent par obliger le vieux grand-pere a manger dans un coin, derriere le poele, ou ils le servirent dans une grossiere ecuelle de terre, ne lui donnant que tout juste de quoi ne pas mourir de faim. Jamais il ne mangeait a sa faim. Et puis un jour, ses pauvres vieilles mains tremblantes laisserent echapper la malheureuse ecuelle qui se cassa. La jeune femme le gronda, mais il ne repondit rien: il soupira seulement. Elle alla lui acheter une ecuelle de quatre sous, en bois, dans laquelle il dut manger desormais.

Devant le vieux grand-pere assis, comme toujours, dans son coin a l’ecart, son petit-fils age de quatre ans se mit a assembler quelques planchettes de bois qu’il s’efforcait de faire tenir ensemble.

– Que fais-tu la? lui demanda son pere.

– C’est une petite auge que je fabrique, repondit l’enfant, pour faire manger papa et maman quand je serai grand.

Le mari et la femme echangerent un long regard, puis commencerent a pleurer. Ils firent revenir le vieux grand-pere a leur table et mangerent toujours avec lui depuis lors, sans gronder jamais, quand il lui arrivait de se tacher ou de repandre un peu de soupe sur la table.